imagerie

Retour

19.01 - 19.03.2016

Un voyage dans l’histoire
de la photographie contemporaine.
Collection du musée
de La Roche-sur-Yon

Carton de l’exposition Un voyage dans l'histoire de la photographie contemporaine. Collection du musée de La Roche-sur-Yon, 2016

La collection de photographies contemporaines du Musée de La Roche-sur-Yon comporte aujourd’hui plus de 200 oeuvres, des années 1970 à nos jours, avec la particularité d’être axée sur la photographie dite ‘ plasticienne ‘.

Cette collection, atypique pour un musée de taille modeste, s’est constituée à partir de 1983, le choix de la photographie étant à l’époque à la fois audacieux et astucieux. La ville de La Roche-sur-Yon, qui venait tout juste de reprendre en main la direction de son musée, antérieurement sous la responsabilité scientifique de la Conservation départementale des musées de Vendée, souhaitait renouer avec les acquisitions d’art contemporain. Or, les musées équivalents de la région – en particulier Cholet, Les Sables d’Olonne – avaient déjà opté pour des orientations artistiques spécifiques – l’abstraction géométrique pour le premier ; la figuration libre pour le second – et les moyens financiers de la municipalité ne lui permettaient guère d’envisager un musée d’art contemporain encyclopédique à l’instar du Musée des Beaux-arts de Nantes.

Ainsi, compte tenu de son exiguïté (le musée se trouvait toujours dans le bâtiment originel du XIXe siècle et aucun projet d’extension ou de déplacement n’était à l’ordre du jour à l’époque) et de ses moyens non extensibles, le choix de la photographie contemporaine parut-il pertinent…

Il convient du reste d’ajouter que le médium photographique était alors le nouveau terrain d’expérimentation d’un certain nombre d’artistes qui y voyaient une alternative intéressante à la peinture, permettant de rester dans le champ de la figuration et de la narration, tout en travaillant à partir d’un médium moderne.Les oeuvres qui ont été acquises durant ces années sont aujourd’hui des pièces historiques ; et de nombreux artistes présents dans la collection du musée de La Roche-sur-Yon et dans l’exposition de l’Imagerie comme Andy Warhol, Cindy Sherman, Christian Boltanski etc., sont également représentés dans les grandes collections publiques françaises (le Musée national d’art moderne – Centre Georges Pompidou, le Fonds national d’art contemporain, de nombreux Fonds régionaux d’art contemporain, etc.) et étrangères (Tate Modern de Londres, MoMA de New York, Whitney Museum of American Art, Ludwig Museum de Cologne, etc.).

Au départ, les achats furent très liés aux expositions puis, progressivement, la constitution de la collection se fit plus rigoureuse dans son propos, centrant les acquisitions sur l’exploration des différents aspects de la photographie plasticienne.
Ce type de photographie résulte d’un travail de conception avant réalisation et entretient le même rapport à l’espace d’exposition et au spectateur que la peinture (à la différence de la photographie de reportage plus dépendante du hasard, souvent liée à l’actualité et confrontée au support écrit). Certains artistes présents dans la collection utilisent exclusivement le médium photographique comme Cindy Sherman exposée à l’Imagerie ; d’autres ne pratiquent la photographie qu’occasionnellement ou sont venus à la photographie par la peinture ou la sculpture.

C’est par exemple le cas d’Urs Lüthi, qui débuta sa carrière en tant que peintre abstrait dans les années soixante, avant de dévoiler son univers personnel dans des autoportraits photographiques, qui révèle une quête d’identité Paradoxalement, cette quête se fait par le travestissement, qui lui permet de se construire une nouvelle identité à chaque image. Dans New York, Self-portrait III, il associe un autoportrait avec une photographie noir et blanc d’un immense coucher de soleil nuageux sur l’océan, abyssal et mélancolique par son absence de couleurs et la densité des tons sombres. Étude d’humeur autant que de ciels, cette photographie s’apparente à la série des Equivalents d’Alfred Stieglitz, eux-mêmes hommages aux études de ciels des paysagistes du XIXe siècle.

Bien que composée de photographies, la collection du musée entretient des liens très forts avec l’univers pictural, comme dans l’oeuvre de Louis Jammes – D’une étrange rencontre, 1983 – dans lesquelles l’artiste mêle photographie et ajouts de peinture…

Au cours des années, les acquisitions ont ainsi rendu compte de l’évolution des pratiques photographiques et des différentes tendances de la photographie plasticienne : rapport art conceptuel-photographie, réflexion sur le médium même de la photographie et sur l’objectivité photographique, développement de la photographie ‘ mise en scène ‘, de l’autofiction et des ‘ mythologies personnelles ‘…

Ainsi, une des grandes figures du travail sur les ‘ mythologies personnelles ‘, Cindy Sherman, qui se met inlassablement en scène depuis 1975 dans des fictions où elle métamorphose constamment son image, jouant sur son identité et son statut, entre créature et créateur, est présente dans la collection avec deux photographies extraites de sa série Untitled Film Still (1975-1980). De petits formats, en noir et blanc, ces images remettent en question l’image de la femme véhiculée par les médias et déconstruisent les mythes historiques et collectifs.

La question du paysage photographique constitue la seconde grande direction des oeuvres de la collection du musée. Paysage urbain ou naturel, cette thématique permet de rendre compte des recherches photographiques des trente dernières années : renouveau de la photographie documentaire avec les paysages ruraux et industriels ; travail séquentiel qui révèle les transformations du paysage ; témoignage de performances dans la nature …

Les oeuvres héritées de ces premières années d’existence de la collection photographique forment le socle des futures évolutions de la collection, selon les grands thèmes précédemment développés : la photographie de mise en scène, autour de l’intime, la question du paysage, les réflexions sur les caractéristiques propres au médium photographique. La plupart des pièces de la collection ont été acquises au bon moment, alors que leurs prix étaient encore abordables ; aujourd’hui, constituer une telle collection serait impossible pour un musée comme celui de La Roche-sur-Yon !

Toutefois, depuis le début des années 2000, le musée a renoué avec les achats de photographies et la perspective de l’ouverture d’un nouveau musée dans un lieu permettant de déployer les collections accélère et donne une ampleur nouvelle à la politique d’acquisitions. Les acquisitions récentes se sont plus particulièrement organisées selon deux grandes directions, aux frontières poreuses : le thème de l’urbain, en adéquation avec le renouvellement d’intérêt des édiles locaux pour l’urbanisme très particulier de La Roche-sur-Yon; et le travail sur les modes de prise de vue particuliers et les évolutions récentes du médium photographique, renouant avec l’intérêt originel pour les ‘ images fabriquées ‘.

Hélène Jagot
Directrice du Musée de La Roche-sur-Yon

Artistes exposé·e·s :

Pierre Besson, Joseph Beuys, Christian Boltanski, Sophie Boursat, Michael Clegg & Martin Guttmann, Ger Dekkers, Hamish Fulton, Rodney Graham, Fariba Hajamadi, Axel Hütte, Louis Jammes, Karen Knorr, Aki Lumi, Urs Lüthi, Joachim Mogarra, Catherine Poncin, Philippe Ramette, Patrick Raynaud, Cindy Sherman, Sylvie Tubiana, Andy Warhol, Boyd Webb.