« Tu seras suédoise ma fille » est un reportage immersif (photographies et film), qui suit l’exode d’une famille syrienne (Jihane, Ahmad et leurs trois enfants), qui, en 2015, a traversé clandestinement 4000 km, huit frontières et neuf pays afin de gagner la Suède.
« Si vous partez en vacances à Kos – l’île grecque qui a vu naître Hippocrate –, vous n’échapperez pas à la traversée du bras de mer qui sépare la Grèce de la Turquie voisine. La balade en Orient vous coûtera 20 euros. Ahmad et sa femme Jihane, eux, ont payé 3000 euros pour voyager en sens inverse, avec leurs enfants. C’était le prix de leur clandestinité en 2015.
Syriens, ils vivaient avant la guerre à Yarmouk, un ancien camp de réfugiés palestiniens, devenu une vaste banlieue commerçante de Damas. Ahmad, né de parents palestiniens, tenait une boutique de chaussures et sa femme, Jihane, était traductrice. Pacifiste, Ahmad a refusé de prendre les armes. Quand le régime syrien a commencé à bombarder leur quartier, la famille a fui dans une zone calme pour attendre la fin des combats. Elle n’a jamais eu lieu. Lorsqu’Ahmad a appris qu’il était appelé pour combattre dans l’armée de Bashar al-Assad, il a choisi de partir vers un avenir meilleur en Europe.
En 2015, nous étions loin d’imaginer qu’Ahmad, Jihane et leurs enfants étaient les premiers des 600 000 migrants à rejoindre clandestinement la Grèce. Leur périple de 4000 km, à travers huit frontières et neuf pays, a duré trente jours. Mais l’exode n’est pas qu’affaire de géographie. Une fois arrivés en Suède, ils ont été pris dans les limbes de l’attente, où les souvenirs douloureux se mêlèrent aux incertitudes d’un avenir dans un pays à l’opposé du leur. Ahmad et Jihane n’en sont qu’aux prémisses d’un plus laborieux périple, celui d’une vie à reconstruire. » (Olivier Jobard)
Diplômé de l’école nationale Louis-Lumière, Olivier Jobard a d’abord rejoint l’agence Sipa où il est resté pendant vingt ans. Il couvre alors de nombreux conflits dans le monde : Croatie, Bosnie, Tchétchénie, Afghanistan, Soudan, Sierra Leone, Libéria, Côte d’Ivoire, Colombie ou Irak. En 2000, il se rend à Sangatte. Il y rencontre des Afghans, des Tchétchènes, des Irakiens, des Bosniaques, des Kosovars, des Somaliens, autant d’exilés qui ont quitté leur pays à cause de ces guerres, qu’il avait « couvertes » en s’attachant uniquement à l’événement. De leurs échanges, est née son envie d’étudier les questions migratoires dans un travail au long cours. Ce sera d’abord un travail sur Kingsley au Cameroun en 2004 dont il documente le périple clandestin de l’Afrique vers la France. Un livre du même titre est édité chez Marval. Le Musée national de l’immigration a acquis, pour ses collections, seize tirages de l’ensemble Kingsley, Carnets de route d’un immigré clandestin. Il travaille ensuite sur la « forteresse Europe », de l’Ukraine à la Pologne, de la Turquie à la Grèce, de la Syrie à l’île de Lampedusa. De ce projet naîtra une exposition itinérante : Exil, Exit ? En 2013, il suit avec la journaliste Claire Billet le périple de cinq jeunes migrants afghans, tout au long de 12 000 kilomètres sur la route de la soie. Kotchok, sur la route avec les migrants (Robert Laffont, 2015) est un ouvrage tiré de ce travail. Lauréat de plusieurs prix internationaux prestigieux (World Press Photo, Visa d’or), il est représenté par l’agence MYOP.
Vues de l’exposition