imagerie

Retour

01.11 - 30.11.1986

Sculptures

Kate Blacker
Gloria Friedmann
Bertrand Lavier
Jacques Vieille

Carton de l’exposition Sculptures réalisée à partir d’œuvres de la collection du Frac Bretagne, 1986

Lorsque l’on parle d’un art du paysage, on pense traditionnellement à la peinture et à la photographie qui, depuis le XIXe siècle, ont illustré ce genre. La peinture de paysage a gardé une place dans la production de l’art contemporain. Puis progressivement, les expérimentations les plus diverses et les plus riches concernant le paysage ont investi la sculpture.

Entre la fin des années soixante et les années soixante-dix, le paysage est devenu le lieu même de l’intervention artistique. L’artiste quittait son atelier, le lieu traditionnel de production, pour investir directement l’espace naturel. On parlait alors de Land Art ou d’Earth Works. La sculpture est réalisée en plein air. Elle atteint une dimension gigantesque, liée à son lieu d’apparition, où les interventions les plus exemplaires se sont situées dans les grands déserts de l’ouest américain. Pour un artiste comme Michael Heizer, il ne s’agissait pas d’élever un volume isolé sur le sol mais de creuser dans le sol une forme élémentaire. La terre devient le lieu, l’objet et la matière de la création artistique. Tous ces marquages ne sont pas sans liens avec les monuments préhistoriques où l’homme a déposé au sol son empreinte, a marqué son passage. Ces monuments n’ont cessé d’attirer l’attention de cette génération d’artistes.

En Europe, l’accent a été mis non pas sur le gigantisme des réalisations, mais sur un contact retrouvé avec la nature dont les exigences de la vie citadine nous ont privé. Au cours de promenades solitaires, l’artiste anglais Richard Long a indiqué sa présence momentanée au moyen de traces sommaires, cercles et lignes, réalisées avec des matériaux trouvés sur place (bois ou pierres), où l’enjeu n’est plus la déstabilisation du site mais l’insertion dans le site. Une photographie garde le témoignage et le souvenir de ces moments vécus dans la nature. Ce sont ces mêmes matériaux qui, une fois agencés selon les mêmes formes simples, se doivent d’évoquer cette nature physiquement appréhendée.

Ces types d’interventions sont voués à des réalisations éphémères qui se désagrègent au gré des conditions climatiques. Le XXe siècle a mis à la disposition des artistes des matériaux nouveaux, produits par l’industrie dont ils se sont largement servi, les assemblant entre eux, ou les combinant à des matériaux naturels pour élaborer leurs sculptures. L’objet de cette exposition est de montrer comment, très récemment, le paysage dans l’art, enrichi de tous ces matériaux disponibles, est plus que jamais un thème d’actualité dans la sculpture contemporaine.

Les quatre artistes présentés (Kate Blacker, Gloria Friedmann, Bertrand Lavier, Jacques Vieille) ont un travail significatif de cette évolution, et cela, chacun sur un mode particulier.

– Gloria Friedmann utilise des matériaux industriels associés à un titre, partie intégrante de l’œuvre pour évoquer des paysages. Le tout est accroché au mur, en référence à la peinture.

– La démarche de Kate Blacker est différente. Elle combine de la tôle ondulée, qui l’intéresse particulièrement, car elle joue sur l’ambiguïté de la 2e et 3e dimension avec des matériaux naturels. L’ensemble investit l’espace. Contrairement à Gloria Friedmann qui laisse vivre ses matériaux comme quelque chose de naturel, elle peint la tôle.

– Jacques Vieille, quant à lui, en présentant des colonnes réalisées à l’aide d’un assemblage de linteaux de bois joue sur la correspondance de la colonne/arbre. Un rapport évident se crée entre l’architecture et la nature. Mais un rapport déstabilisé : la colonne ne supporte rien, l’arbre est couché.

– Entre ces travaux, s’inscrivent les procédés d’élaboration des Landscape Paintings & Beyond de Bertrand Lavier. Une photographie de paysage est accrochée au mur. La partie droite a été peinte par un restaurateur qui a respecté les couleurs initiales de la représentation photographique. Du côté de la partie peinte, le restaurateur a prolongé la représentation du paysage, telle qu’il l’imagine en fonction de l’image qu’il a sous les yeux. Cette œuvre nous propose divers questionnements en mêlant photographie et peinture, « réalisme » et « imaginaire ».

Cette perversion des genres historiques est un point commun à l’ensemble des travaux présentés.

Exposition réalisée à partir des collections du Fonds régional d’art contemporain / Bretagne.