imagerie

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01.12 - 28.12.2007

Pierres levées

Sylvain Girard

Carton de l’exposition de Sylvain Girard, Pierres levées, 2007

Dans sa série de photographies qui ressemblent à autant d’épiphanies du paysage breton, Sylvain Girard se présente comme le gardien de ces temples anciens bâtis selon une architecture toujours inconnue, mais dont les pierres levées s’organisent et perdurent, à notre insu, à travers tout le pays.
Il a agi comme le colporteur privilégié de ces pierres qui nous mettent en face de notre passé, c’est-à-dire de nous-mêmes…
Il a rassemblé des portraits de ces gardiens néolithiques qui n’ont jamais cessé de monter une garde dont le sens nous échappe encore mais qui nous fascine toujours.

Par ses images d’une nature remodelée par des hommes qui nous donnent une empreinte fidèle de leur pensée, même si nous ne la comprenons qu’à moitié, Sylvain Girard nous donne certes à voir des scènes dont on ne peut connaître ni la vérité, ni le sens mais qui sont tellement génératrices et généreuses d’interprétations qu’elles nous semblent accessibles et valables. Dans La dimension esthétique, Herbert Marcuse dit :  » la vérité de l’art rompt le monopole de la réalité établie et fait connaître ce qui est vraiment réel ».

C’est la rencontre de ces deux sculptures consentantes : l’épaisseur vraie de la force jouant avec la texture palpable de sa fragilité. Cette rencontre est présente dans chaque image mais jamais n’apparait une frontière définitive entre ces deux composantes car jamais elles ne s’affirment…Elles disent plus sur ce qu’elles ne sont pas que sur ce qu’elles sont. Elles s’attirent mais ne s’excluent pas. On se prend même à se demander si ces sous-bois de l’intérieur des terres ne constituent pas un continent perdu, immergé, au gré des courants et des marées comme un double positif du fond de l’Océan.

Avec ses « équivalences », Alfred Stieglitz avait démontré que la photographie pouvait évoquer bien autre chose qu’elle-même. Dans cet esprit, les images de Sylvain Girard me font penser à une série de signes de piste entre les entités spirituelles des feuillages et celles des pierres emmêlées…elles se promènent entre des clairières où la vie se glisse et s’échappe en nous rapprochant constamment du mystère du monde toujours présent. Nous avons tendance à le repousser car nous croyons qu’ il nous fait peur. C’est vrai, la photographie dérange d’une certaine manière mais elle nous rapproche aussi du mystère des apparences que nous refusons de voir : il nous entoure et pourtant il nous échappe.
Les hommes ont toujours cru, parait-il, que Dieu avait parsemé la nature de symboles cachés.

« Un paysage est un texte inscrit dans la terre ».
Sylvain Girard nous propose de le déchiffrer.

Alain Desvergnes
février 2007 – extraits