Diplômé de l’École supérieure d’art de Chalon-sur-Saône puis des Beaux-Arts de Paris, Lucas Leglise mène depuis plusieurs années une recherche sur la matière même de l’image photographique et sur ses conditions d’apparition. Ses différents projets visent à donner corps à ce moment particulier où la photographie se révèle, notamment dans les procédés argentiques. Dans un mouvement de va-et-vient constant entre le monde et son image, il s’intéresse autant à ce que la lumière imprime sur la pellicule qu’au rapport que les photographies entretiennent avec leur référent. Dans le travail de Lucas Leglise, la forme choisie au moment du développement n’est jamais anodine, elle a chaque fois autant de sens que le sujet représenté.
La série « Où naissent les photographies » réunit sept vues urbaines représentant des façades de maison ou d’immeuble, prises en région parisienne. Un portail, une devanture, un pas de porte, rien ne semble particulièrement distinguer ces lieux. Il s’agit en fait d’entrées d’ateliers photographiques, chacun reconnu pour sa maîtrise d’un procédé de tirage : l’héliogravure, le Cibachrome, le tirage chromogène, etc. Il ne s’agit pas seulement pour Lucas Leglise de documenter et de rendre compte de lieux méconnus du grand public. Pensée comme une mise en abyme, chaque image est développée là où la photographie a été prise, en employant la technique qui a fait la renommée du laboratoire représenté.
L’artiste s’intéresse ici autant à l’histoire des procédés photographiques qu’à la forme physique qu’ils induisent. Chaque technique – et on le voit bien quand on regarde attentivement les tirages – a une matérialité qui lui est propre. Le tirage platine-palladium a un rendu très doux, les couleurs du tirage Cibachrome sont intenses, le tirage Fresson confère un aspect pictural aux images. Bien que ces procédés aient perduré à travers les années en raison de leurs qualités esthétiques spécifiques, ces savoir-faire, parfois détenus par une seule personne ou bien tributaires de matériaux dont la production arrive à leur fin, tendent aujourd’hui à disparaître. La série « Où naissent les photographies » est donc à la fois un parcours géographique dans Paris et ses environs, un catalogue de techniques, mais aussi un témoignage matériel de la variété des procédés argentiques.
Cette série a été réalisée dans le cadre de la commande photographique nationale « Les Regards du Grand Paris », conduits par les Ateliers Médicis et le Centre national des arts plastiques.
Pour réaliser la série « International Dark Sky Places », l’artiste s’est rendu sur différents sites labellisés « Réserve de ciel étoilé » garantissant l’absence de pollution lumineuse. Le protocole est chaque fois le même : il photographie d’abord le paysage de jour (les sites bénéficiant du label étant généralement des parcs naturels), puis développe ses images directement sur place, au même endroit, quand le jour a décliné. La série joue sur les rapports nécessaires entre lumière et obscurité, inhérents à la technique photographique argentique. En effet, alors que la lumière est indispensable au moment de la prise de vue pour impressionner la pellicule, il est en revanche impératif de faire le noir lors du développement des films et des tirages.
En l’absence de pollution lumineuse, les lieux choisis par l’artiste sont plongés dans le noir le plus total à la nuit tombée. Toutes les conditions sont réunies pour réussir le développement des images, sans avoir recours à du matériel opaque pour protéger les films de la lumière. Ce faisant, Lucas Leglise s’affranchit du laboratoire en tant que lieu circonscrit où traditionnellement les photographies se révèlent. À la faveur de la nuit, dit-il, il parvient à « faire du monde une chambre noire ». Le contexte de prise de vue des photographies devient donc ici, dans le même temps, celui de leur apparition
Pour le projet « Photographs of Foreign Algae », Lucas Leglise a d’abord photographié des lieux où les algues sont ramassées à pied ou en bateau, ainsi que des endroits où elles sont cultivées, en pleine mer ou dans des bassins. Les photographies ont été prises sur la côte nord du Finistère et au Japon, dans la baie de Tokyo, à Hokkaido au nord ou à Okinawa au sud du pays. Il a ainsi compilé un catalogue des paysages de la récolte des algues – avec des images de rochers, de ports, de plages et d’estrans –, autant qu’un inventaire volontairement lacunaire des algues que l’on peut trouver en Bretagne et au Japon. Le titre du projet est par ailleurs une référence directe aux photogrammes conçus par Anna Atkins en plaçant des algues sur du papier photosensible, qu’elle a rassemblés entre 1843 et 1853 sous le nom de Photographs of British Algae.
Tous les tirages de cette série ont été réalisés en adaptant la technique du Caffenol, en remplaçant le café par des algues. Celles-ci contiennent en effet suffisamment d’acides phénoliques pour être utilisées dans la préparation du bain révélateur noir et blanc, au même titre que le vin rouge ou les infusions de romarin ou de clous de girofle. Les photographies sont toutes des tirages uniques produits en plaçant une feuille de papier photosensible dans une chambre photographique, développée à l’aide d’un révélateur préparé avec des algues ramassées ou achetées sur place. Goémon noir, dulse, nori, kombu ou laitue de mer, le sujet de la photographie fabrique ici son propre révélateur, et par extension sa propre image.
La série « Photographs of Foreign Algae » est produite par le programme « Mondes nouveaux » mis en œuvre par le ministère de la Culture dans le cadre de France Relance, en collaboration avec le Conservatoire du littoral.
03.03 – 18h
Vernissage de l’exposition
04.03 – 14h
Rencontre avec Lucas Leglise
23.03 – 18h
Visite flash de l’exposition
06.04 – 18h
Visite collection (Pascal Kern)
20.04 – 18h
Visite flash de l’exposition
11.05 – 18h
Visite flash de l’exposition
25.05 – 18h
Visite collection (Nancy Wilson-Pajic)
Vues de l’exposition