Longtemps cantonnée au rôle de reproduction des oeuvres d’art pour en permettre étude et diffusion, la photographie va, près d’un siècle après sa naissance, prendre place à son tour aux cimaises des musées.Mais accueillie en ces lieux en tant que mode d’expression artistique à part entière, elle va aussi y trouver matière à création. L’architecture muséale devient sujet photographique lors de missions confiées pendant les rénovations ou “grands travaux”.
Le tableau lui-même, son cadre, son support, sa pâte ou sa toile figurent à leur tour dans les thèmes traités par les auteurs-photographes, qu’ils agissent en citation ou en détournement. Les collections enfin, dans l’esthétisme de leur accumulation, sont aussi source d’inspiration.C’est cette relation ambigüe du couple “Musée-Photographie” que traitent les Estivales 97 à travers l’oeuvre de six auteurs parmi les plus représentatifs de la création photographique contemporaine.
Lieu magique de notre mémoire et de notre histoire, Le Louvre a retenu l’attention de nombreux photographes. Parmi ceux-ci figure Christian Milovanoff (Arles) qui en explore les tableaux (“Le Louvre revisité”).
Il cherche des prolongements formels dans la structure du cadre, la surface d’un mur, le jeu d’une ombre fugace ou d’un reflet sur la toile.
Murs et moulures, supports et surfaces deviennent ainsi comme le dit le critique Jean Arrouye “motifs d’une aventure poétique créatrice d’images inédites, occasion de faire voir ce qui n’avait jusque là pas été perçu parce que jamais regardé vraiment, de transmuer un non-lieu visuel en oeuvres de l’esprit”.
Jean-Christophe Ballot (Paris) quant à lui nous livre le point de vue de l’artiste sur les différentes phases de la métamorphose architecturale de ce même Louvre lors des récents “Grands Travaux”: il nous invite à une visite insolite ponctuée d’humour d’un musée qui, déserté par l’homme, retrouve un charme poétique et quelque peu
mystérieux.
Dans la série “Ateneum”, Jorma Puranen (Finlande) utilise le musée du même nom, situé à Helsinki, pour promouvoir , architecture et oeuvres mêlées, une idée de musée d’art “transparent”, infiltré par son histoire.
“Mes oeuvres, dit-il, sont une interrogation sur l’Ateneum, son histoire et ses collections, sur les idéaux et les gens qui ont permis sa construction”.
S’inspirant des grands artistes espagnols de ce siècle (Dali, Miro et Picasso…) et poursuivant son travail sur la mystification et la fiction,
Joan Fontcuberta (Barcelone) nous propose (après “Herbarium” et “Fauna”) “L’artiste et la photographie”.”A quoi ressembleraient les photographies faites par ces peintres ?” s’est-il demandé. Il nous offre la réponse dans ce musée photographique imaginaire mais plus vrai que nature.
Marie-Laure Guégan (Rennes) cherche à percer le secret des mythes religieux, à dévoiler les mystères de la statuaire en donnant, dans ses très grands formats en couleur, une vie nouvelle à ces êtres inanimés.
Enfin Paul Den Hollander (Pays-Bas) parcourt les herbiers historiques conservés dans les plus grands musées d’Histoire Naturelle. Il y puise une source infinie de points de vue: le verso d’une page, les papiers collants qui fixent la plante, les bords de la feuille, le catalogage des végétaux, tout ou partie de la plante fondent un terrain d’aventure merveilleux.