L’exposition « Le dessin autrement » co-organisée par l’Office Départemental de Développement Culturel et l’Imagerie,tente d’apporter un éclairage sur l’impressionnant regain d’intérêt et de vitalité que connaît le dessin depuis ces dix dernières années. Au sein du vaste courant d’éclatement des arts plastiques, il s’impose de façon proliférante, revendiquant avec force la place du geste graphique dans l’oeuvre métissée.
Traditionnellement lieu de la pensée, ouvert à tous les possibles, temps éphémère et mutable d’un projet en élaboration, le dessin n’est plus exclusivement une pratique isolée d’atelier, laissée en retrait. Il intervient aujourd’hui autrement. Inscrit dans une complémentarité transversale avec d’autres médias (peinture, photographie, vidéo, fil, …), parfois même situé au premier plan comme médium principal d’une installation, il participe pleinement à l’oeuvre d’art. Ces nouvelles modalités d’exploration renouvèlent donc les préoccupations classiques du dessin.
Quittant donc la confidentialité pour l’exposition-exhibition, le dessin s’affirme plus que jamais pour sa force et sa richesse. Il est doué d’une large capacité à produire du sens et d’une liberté que n’autorise pas toujours la technique avec laquelle il intervient maintenant dans un rapport corrélatif.
Placé ou non en relation transversale avec elle, il renouvèle, sans les rejeter, ses préoccupations plastiques classiques. Il impose toujours l’écriture du mouvement, revendique l’impérieuse nécessité du geste, le besoin de se réapproprier l’image « aseptisée » saisie mécaniquement. Il traduit donc la volonté de repositionner la présence du corps dans l’oeuvre dont la technique l’avait exclu.
Cette profusion du dessin est particulièrement signifiante. Elle se perçoit comme la manifestation quasi-existentielle d’une résistance de la pratique graphique Originelle et universelle, non pas contre mais en accord équitable avec la technologie la plus actuelle, façon de la maîtriser et non d’en subir la domination.
L’association du dessin à d’autres médias (texte, photographie) a été entre autres inaugurée par des artistes comme Jean Le Gac, Ernest Pignon-Ernest, Georges Rousse, mais aussi Annette Messager (non représentée dans cette exposition) et largement suivie par quantité d’artistes, parmi eux : Elizabeth Lennard, Christine Crozat.
Dans l’oeuvre de Jean Le Gac, le dessin pareillement associé au texte et à l’image photographique est lui aussi assorti d’une même fonction, celle de constituer l’une des pièces à convictions destinées à interroger le statut du peintre et sa pratique.
Placé en relation exclusive avec la photographie, il affirme parfois sa prédominance. Dans la série des villes d’Ernest Pignon-Ernest, le dessin préparatoire est la substance d’une démarche plastique à la finalité éphémère, toutefois fixée par une photographie-document. Cette trace, de moindres dimensions, est juxtaposée à l’esquisse dans la composition.
Les anamorphoses graphiques de Georges Rousse réalisées sur un support architectural sont rendues lisibles une fois saisies par le médium photographique qui les valide en oeuvres d’art.
Dans un rapport inverse, le trait, la colorisation intervenant par superposition, ajoutent en signification à la photographie-support d’Elizabeth Lennard : ses planches-contact agrandies questionnent ainsi d’autant mieux la distance entre la réalité et la trace du souvenir tout en explorant le principe sériel énoncé par Gertrude Stein.
Obstinément, Christine Crozat redouble le dessin par l’image
photographique. Le dessin tracé à grande vitesse est alors un instantané (légèrement décalé) qui se mesure à la photographie, l’un et l’autre constituant des prises de notes fugaces, en vue du pari, à la limite de l’impossible, de réaliser le relevé cartographique des paysages du TGV qu’elle traverse.