Cette exposition présente, en salles 1 et 2 de L’Imagerie, les oeuvres récentes de Juliette Agnel, en lien avec ses recherches sur l’atemporalité et la matière du paysage : les séries « Les Portes de glace » (2018, Groenland) et « Taharqa et la nuit » (2019, Soudan), ainsi que « L’Invisible », photographies et vidéo réalisées dans les Monts d’Arrée à l’été 2019.
« Les Portes de glace »
Groenland, février 2018
Le voyage fait partie de la vie de Juliette Agnel, il est une part constitutive de son travail d’artiste. Après avoir photographié l’immensité étoilée recouvrant des paysages «presque irrationnels» dans le désert espagnol et sur les routes des Pyrénées, elle a en effet ressenti «le besoin d’un paysage de l’extrême». En exprimant ainsi le désir de se confronter à l’impraticable, elle rappelle très concrètement ce à quoi enjoint Bataille dans l’Expérience intérieure: ne s’agit-il pas, après lui, de se rendre à « l’extrême du possible […] si loin qu’on ne puisse concevoir une possibilité d’aller plus loin » ?
La série « Les Portes de glace » est constituée de photographies d’icebergs prises au moyen format numérique, depuis un bateau. Chaque image a été retouchée, et ce travail de reprise crée le mystère en même temps qu’il le signifie ; il acte la transformation du paysage photographié, réel, en une vision métaphorique de l’inconnu. Le passage au négatif, souvenir artificiel de l’argentique en milieu numérique, agit comme une révélation : les rochers de glace dévoilent de précieuses facettes ; une force intérieure, vivante, semble pulser. Les autres images, restées en positif, sont plongées dans une pénombre crépusculaire. L’effet accentue la sensation de se situer à un croisement, où ce qu’il y a derrière l’image rencontrerait ce à quoi semble ouvrir le paysage.
Ces Portes donnent sur un vertige, sur une béance métaphysique, sur le dévoilement d’un absolu qu’elle nous invite à contempler.
Marie Chênel
Taharqa et la nuit
Soudan, janvier 2019
C’est un voyage qui prend racines au néolithique, en traversant le royaume de Kerma, jusqu’aux rois de Meroe. Ces photographies sont réalisées sur des sites archéologiques du Nord du Soudan, et font apparaitre la grande richesse de l’histoire du Soudan.
« J’ai fait un voyage immense et qui n’a duré que quelques jours, mais la puissance des lieux m’a offert d’étirer le temps du voyage ».
Ce qui anime cette série, c’est l’envie de montrer les forces qui sont là, invisibles, dans ces sites qui parlent des origines et du rapport au sacré, à l’espace et à la nature. C’est une série qui questionne comment montrer ces forces qui animent le lieu. La nuit et les étoiles portent cette intention.
Ce voyage au Soudan, c’est partout la recherche de la trace de la disparition d’un peuple, à travers des tombeaux, des temples, des peintures rupestres, des ruines, des sculptures : un monde disparu. C’est se présenter aux portes d’un monde après son anéantissement. En parallèle, c’est aussi toucher du bout des doigts leur existence, leur présence. Ce voyage s’inscrit dans un temps autant indéfini qu’il est défini. Il y a cette impression de monde enfoui, cet effacement du paysage, avec un désert qui tente d’engloutir toutes les habitations et fait disparaître (ou apparaître) les pyramides de Meroe, au loin, comme un mirage.
Juliette Agnel