Dans la genèse des Traouïéro, la terre enfante ces rocs puissants, aux épaules olympiques, à la panse de sumo. A peine éclos, le torrent des fougères les mêle aux korrigans dans une danse endiablée. Dans les hêtres et les chênes, ils érigent des cascades, se baignent comme les hippopotames, paressent avec les sauriens. Mais, tapie derrière l’écume, la Méchante les guette. Elle jette ses tentacules, dirige le Choeur des sirènes, entrouvre ses abîmes.
La menace, la peur, l’angoisse retiennent ces pachydermes le long de l’estran. Troupeau rassemblé par l’ouragan, ils s’agrippent l’un à l’autre, hooliganent leurs congénères, s’affolent dans les sables. Ils sont alors géants, ils sont alors sublimes, ils égrènent la Côte de Granit.
Dans les couronnes d’ajoncs et les gerbes de bruyère, les oeillades de l’aurore les teintent de rosée, les braises du couchant fondent leur cuivre : à chaque ciel une couleur, à chaque fête une parure. Nul regard que n’indiffèrent ces funérailles, nul artiste qui ne traduise ses émotions.
Dessein avoué du Festival Photographique du Trégor, la découverte de ce lieu magique par les photographes invités. C’est pourquoi, onze ans après sa création, L’ Imagerie présente les oeuvres de plusieurs de ces artistes qui transcrivent ce remarquable site naturel.
C’est pour capter la lumière que John Batho hante les rivages. Son approche des rochers se place dans la continuité de ses recherches sur la couleur et sa transposition en photographie. Le merveilleux de sa vision s’associe à une construction rigoureuse de l’image.
Le fondateur de L’Imagerie, Jean Bichet, rend hommage à la nature. Il célèbre sa beauté, lui érige des temples , métamorphose les flaques et les pierres.
La suggestion des formes, les caresses des ombres, les charmes du granit nourrissent la quête de Bernard Chevalier dans sa recherche de l’abstraction géométrique.
L’objectif de Michel Dheurle est gouge de sculpteur : dans le dureté de la pierre il feuillette son bestiaire et, dans un retrécissement du temps et de l’espace, mêle les rocs des Cévennes à ceux du Trégor.
L’équilibre des matières, les vibrations de la lumière, la sensualité des masses permettent à Hervé Rabot de décrire son univers. Les formes sont celles du vide qui entraîne la méditation.
Thanes se fait alchimiste : les feuilles des arbres se glissent dans ses grimoires, les marmites des fées respirent le chaudron et du tourbillon des saisons s’incruste l’or au milieu du chaos.