Coproduite avec le festival « Mai-Photographies-Quimper » qui fête ses 30 ans sous la thématique « Je suis un autre », l’exposition « Dehors, Dedans » de Jean-Claude Delalande rappellera aux visiteurs de l’Imagerie l’humour décalé du facétieux Gilbert Garcin qui, il y a quelques saisons se mit en scène sur les murs de la galerie.
Jean-Claude Delalande s’autoportraitise lui aussi en « petit bourgeois pathétique » dans des saynètes en noir et blanc entièrement scénarisées, « un peu amères, un rien acides » comme le dit le critique Hervé Le Goff.
« Il se peut que ces images soient le reflet d’un état qui n’est pas le mien, mais celui d’un déprimé chronique auquel on aurait confié un appareil photo.
Depuis plus de dix ans, je suis ce personnage keatonien qui me rappelle sans relâche que le temps passe et que je demeure… du moins sur le papier. »
(Jean-Claude Delalande)
« Jean-Claude Delalande est un étrange bonhomme, la référence à Buster Keaton (qu’il évoque ci-dessus) est une évidence : il possède ce même humour qui s’affiche sans sourire. D’autres références, photographiques, peuvent être trouvées : Duane Michals pour ce sens de l’autoportrait mis en scène de manière savante ou encore Martin Parr dont on retrouve, transposé en noir et blanc, l’ambiance de vacances un peu morne.
Les influences, même prestigieuses, sont d’habitude trop envahissantes et « mangent » la personnalité de l’auteur, rien de cela ici, Jean-Claude Delalande n’est pas encore une célébrité, son nom n’est pas connu et pourtant ses images sont déjà des Delalande!
Deux personnages principaux figurent sur ces images, Jean-Claude et sa compagne, mais un troisième protagoniste à peine moins apparent hante la série: le temps. Les photos, réalisées durant une dizaine d’années, retrouvent le charme des albums familiaux où les adultes vieillissent tandis tandis que les enfants grandissent.
Ce temps qui prend un malin plaisir à montrer son passage confère à la série une densité forte. Certaines photos, qu’au premier regard pourraient relever de l’anecdote ou de l’humour un peu trop décalé (avec parfois même une pointe de cynisme), trouvent, grâce à l’écoulement du temps d’image en image, leur véritable humanité.
Le piqué et la qualité du noir et blanc (des prises de vues faites à la chambre ou au moyen format) ne sont pas sans effet, ils évoquent l’ambiance des photos des années soixante, mais des années soixante à la saveur intemporelle…décidément, le temps tient ici un rôle bien compliqué.
Il y aurait encore beaucoup à dire sur ces photos, les regards qui jamais ne se croisent mais qui souvent s’adressent au spectateur, la neutralité des visages, les mouvements qui hésitent entre le flou et la théâtralisation, la présence invisible de l’éclairage, la mise en scène très travaillée, les décors et les accessoires soigneusement choisis…
Ce perfectionnisme tellement poussé qu’il sait se faire oublier rappelle Tintin, un Tintin qui aurait lu Kafka. »
(Pascal Miele)