Né en 1949, Marco Paoluzzo vit à Bienne (Suisse) où il mène de front deux carrières photographiques l’une de photographe commercial et publicitaire, l’autre de création personnelle sur des « projets au long cours » de « voyageur photographe » (comme il se définit lui-même).
Passant plusieurs mois sur les routes, il est ainsi parti à la découverte de Cuba et des États-Unis. En noir et blanc, avec une vision photographique épurée – il y a du Walker Evans dans le dépouillement de « son » Amérique – il nous transmet, de son parcours aux États-Unis, plus qu’un reportage, son « journal de solitude ». Des travaux cubains, a contrario, émergent rencontres, sourires et complicité.
Il s’agit de la première exposition en France de Marco Paoluzzo dont les oeuvres figurent dans les collections du Musée National d’Art Moderne (Centre Pompidou) et de la Bibliothèque Nationale. L’auteur a publié plusieurs ouvrages aux éditions « Flashback Publications » (Suisse) : on peut citer Islande, Cuba, America Blues…
» J’ai découvert les Etats-Unis en 1986, j’avais 37 ans. Très vite, je me suis rendu compte que je m’étais fourvoyé. J’étais parti plein d’espoir et d’illusions sur les traces de Robert Frank, de Lee Friedlander et de Bruce Davidson. Hélas l’Amérique que j’avais rêvée n’existait pas, ou plus. Je découvrais quelque chose de différent, des gens polis, souriants mais dépourvus d’âme, obsédés par l’argent. De retour en Suisse après mon premier voyage, je me mis à développer mes films. Les images que je découvrais sonnaient juste, elles montraient mes états d’âme…
Puis pendant 7 ans, j’oubliai cette aventure. En 1993, je décidai de prendre une année sabbatique. La photo publicitaire me permettait de vivre décemment, mais la portée de ce travail alimentaire ne me satisfaisait pas pleinement. En ouvrant mes tiroirs, je tombai sur les tirages que j’avais faits quelques années plus tôt. Inconsciemment, je décidai de reprendre ce travail là où je l’avais laissé. Je m’envolai pour la Floride. De nouveau, après quelques semaines d’errance, ce même sentiment de désolation et de déprime m’envahit. J’étais parti pour une année, mais trois mois plus tard j’étais de retour, épuisé. Pour me changer les idées, je partis en Islande, où le vent, la pluie et le calme du désert me permirent de retrouver ma paix intérieure. À l’automne, j’eus l’opportunité de faire un petit travail aux États-Unis. Cette fois, j’avais décidé de terminer ce que j’avais commencé. Pendant 6 semaines, je sillonnai l’ouest à la recherche des images qui me manquaient. Au retour, je fis un crochet par Cuba. Ce fut le choc. Je n’étais pas préparé à une telle confrontation. Après le désert glacial des « Interstate » américaines, je découvrais un peuple chaleureux, instruit, intelligent et exubérant. Ce fut le coup de foudre. Je ne restai que deux semaines, mais je savais que j’y retournerais bientôt.
De voyages en voyages, mon projet américain prit forme. Mes photos disaient ce que je ressentais et bientôt, après un quatrième et dernier voyage, je sus que mon livre était terminé. Le titre s’imposa tout seul: America Blues.
Parallèlement, mon travail cubain avançait également. Les rencontres succédaient aux rencontres et les images s’additionnaient gentiment. Alors que je n’avais pas prévu de publier de livre sur Cuba, je me trouvai soudain avec deux ouvrages sur les bras. Pour en terminer une fois pour toutes avec les États-Unis, je décidai de publier America Blues en premier. Cela me permit d’effectuer un dernier séjour à Cuba et de publier le second livre six mois plus tard. Cette édition se fit comme dans un rêve alors qu’America Blues m’avait demandé une énergie folle et une volonté démesurée.
Je tends à préférer ce travail dont les images sont plus profondes et plus structurées mais j’aime aussi le côté simple de Cuba, ses portraits, La Havane et ses rues décrépies… tout ce côté latin que l’on ressent sur chaque photographie.
De toute façon, pour moi ces deux séries racontent la même histoire et sont parties d’un même travail. »
Marco Paoluzzo