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15.08 - 01.09.1985

7e Festival photographique
du Trégor

Bernard Descamps
Michel Dheurle
Frédéric Gallier
Luigi Ghirri
Mayvonne Gilotte
Hervé Rabot
Ernestine Ruben
Bruno Stevens
Patrick Toth

Carton du 7° Festival photographique du Trégor, 1985

Le Festival photographique du Trégor se tient dans deux lieux d’exposition : le centre Jean Savidan à Lannion et la Maison des Traouieros à Perros-Guirec.

Fiche administrative pour l’exposition de Luigi Ghirri en 1985 (archives de L’Imagerie)

Au centre Jean Savidan, les travaux de six photographes sont exposés. Maryvonne Gilotte présente l’un des quatre volets de son travail sur Versailles : l’hiver. L’auteur traduit admirablement cette saison dans des images simples et directes. Les lignes des jardins et des parcs, les formes des statues prennent toute leur ampleur sous la neige, les arbres s’estompent sous la brume ou la nuit. Maryvonne Gilotte nous associe à ses émotions par une écriture photographique simple, sensible mais aussi dépouillée où seul l’essentiel subsiste.

En isolant du contexte les objets qui y sont représentés, Michel Dheurle ironise sur l’aspect macabre de ces animaux naturalisés, sur le côté désuet de la pédagogie utilisée par le musée. Son écriture photographique est rigoureuse sans aucune faiblesse. Un éclairage précis mais subtil renforce ses cadrages presque toujours frontaux. La sensibilité de Michel Dheurle adoucit son propos par quelques images pleines d’humour.

Avant d’aborder les images en couleur, une visite de la deuxième salle nous met en contact avec les travaux de Bernard Descamps. Abandonnant son écriture passée, il adopte un style contemplatif. Les dunes de Sahara prennent pour lui des formes souples et voluptueuses. Les corps qu’elles semblent constituer vont, peut-être, frisonner si le vent fraîchit. Bernard Descamps a su échapper au piège de la monumentalité qui peut tenter un auteur devant un tel paysage.

Ernestine Ruben est, dans ses images, à la fois sensuelle et mordante. Prenant pour sujet le corps humain, elle le traite comme un objet dont elle étudie certains aspects : la peau, le poil, les formes… Ses images peuvent être très douces ou agressives mais elles sont toujours surprenantes (cadrages en contre-plongée, mélanges des corps…). La vidéo qui retrace son approche photographique éclairera l’amateur sur son style.

Revenant dans la première salle, les photographies de Bruno Stevens sont là pour nous surprendre. Au premier abord, ces tubes de néon, ces plafonds de café semblent très communs. Et pourtant, chaque image nous réserve des surprises par ses couleurs, par la subtilité de son cadrage. L’auteur utilise avec finesse et précision toutes les possibilités offertes par ces lieux maintenant disparus (ou totalement transformés). Il faut savoir que chaque image de Bruno Stevens est une pièce unique qui ne peut être reproduite (il a remplacé dans sa chambre photographique le film habituel par un papier Cibachrome qui, une fois développé, est ce que l’on peut voir sur ces cimaises).

Luigi Ghirri est un des photographes les plus importants de l’Italie actuelle. Les images présentées ici mettent en valeur plusieurs facettes de son œuvre. Avec ses paysages, il utilise le médium à la façon d’un amateur qui veut ramener des souvenirs de ses promenades. Certains détails soulignent qu’il le fait sciemment, un peu ironiquement. Ensuite, il montre que l’on peut faire des photographies à partir d’accumulation de motifs, véritables écrans à notre regard, ou bien, au contraire avec un minimum d’objets, de sujets. Son écriture photographique est la plupart du temps vive et acérée sans être dénuée d’une certaine connivence avec ceux qui la lisent.

Fiche administrative pour l’exposition de Luigi Ghirri en 1985 (archives de L’Imagerie)

À Perros-Guirec, cette exposition regroupe trois jeunes photographes français qui ont débuté comme reporters à l’agence VIVA. Mais le reportage traditionnel ne répond pas à leur attente et très vite ils s’orientent vers une recherche différente : leur travail est alors axé essentiellement sur l’étude du mouvement. Pendant deux ans ils brisent leur manière de photographier en travaillant sur une certaine utilisation du flou.

Frédéric Gallier travaille exclusivement sur le mouvement, sur les personnes en mouvement. C’est lui qui reste en somme le plus proche du reportage classique. Toutefois sa vision est souvent décalée par rapport à la vision habituelle. Il a utilisé toutes les différentes techniques du flou pour obtenir ces images. Il s’en dégage une grande tendresse et une certaine sensualité.

Patrick Toth tend vers l’abstraction, vers des images les plus simples possible, jouant sur une certaine forme de minimalisme. En dépouillant le sujet, il transforme la réalité qui n’est plus reconnaissable. Il nous laisse par là même une totale liberté d’interprétation. Depuis un an environ, Patrick Toth pousse plus avant sa recherche, il abandonne l’expression photographique traditionnelle pour créer des images totalement abstraites à partir de négatifs. La merveilleuse série de dix images présentée devant les fenêtres présage des travaux qu’il vient d’entreprendre et présentera ultérieurement : la photo n’est plus qu’un matériel brut au même titre que le tube de gouache ou le morceau de bois. Sa démarche actuelle n’est pas sans rappeler celle de Mondrian.

Hervé Rabot est parti dans deux directions différentes. Dans la première, il détourne la réalité pour créer des images surprenantes ; c’est le cas de l’arbre dénudé. Dans la seconde, il choisit la plupart du temps un morceau de la réalité auquel il applique des techniques de prise de vue semblables à celles de Frédéric Gallier. Il joue avec un cadrage souvent osé. La seule façon de comprendre ses photos est de s’y plonger et de tenter de s’y retrouver. On reconnaîtra au passage un dalmatien, un tronc d’arbre avec des feuilles, des enfants faisant des galipettes, une jeune femme semblant danser dans la rue… ou tout autre image qu’on voudra bien y voir !