Depuis plus d’une vingtaine d’années, en parallèle de ses travaux de commandes, Dominique Delpoux développe une œuvre personnelle dans une veine que l’on pourrait qualifier de « documentaire social ». Il réalise le plus souvent des séries de portraits de personnes ordinaires, photographiées dans deux contextes distincts : la sphère privée et la sphère professionnelle. Lauréat du prix Kodak de la critique photographique en 1994 avec sa série consacrée aux mineurs de Carmaux, dans le Tarn, il n’a dès lors jamais cessé d’explorer les questions liées à l’identité et à la représentation sociale dans le monde du travail. Généralement pensés pour être présentés sous la forme de diptyque, ses portraits témoignent d’une approche objective et frontale de ses sujets, exclusivement photographiés en plan américain et au moyen format, faisant apparaître « l’efficacité d’un dispositif, réduit à sa plus rigoureuse exigence, qui gomme le spectaculaire pour nous amener à l’essentiel d’une réflexion sur la notion même de portrait¹ ».

Entre 1997 et 1998, il initie la série « Les Hommes du chantier », à l’occasion de la construction du Théâtre National de Toulouse Midi-Pyrénées, témoignant du labeur des ouvriers sur ce chantier. La même démarche est déclinée dans tous les portraits de la série, avec une première photographie prise le matin au début de la journée de travail et une seconde le soir à la fin de la journée, toujours sur le chantier. Cette confrontation incite à repérer les changements d’une image à l’autre, de l’affaissement de la posture aux traces de fatigue visibles sur le visage. Dominique Delpoux propose un travail sur le temps dans lequel chacun peut déceler les différences – plus ou moins marquées – entre deux photographies, afin de reconstituer les tâches exécutées par les ouvriers dans une journée de travail ordinaire, mettant ainsi en lumière un ensemble de métiers déconsidérés, liés au secteur du bâtiment et des travaux publics.

1 : Christian Caujolle, « Dominique Delpoux », in Dominique Delpoux, Double Je (cat. expo.), Toulouse, Le Château d’eau, 2006, n. p.

Vincent Raoul