imagerie

Rue de Rennes, mai/juin 1949, alors qu’il a déjà photographié puis filmé des affiches lacérées, Raymond Hains passe à l’acte et s’en approprie un fragment. L’histoire est connue : cela lui vaut d’être interpellé pour « délit d’arrachage ». Très vite averti, son ami et collaborateur Jacques Villeglé, qui depuis deux ans collectait des objets, embrasse à son tour la carrière de « ravisseur », ramassant d’abord avec Hains, appliquant ensuite la recette avec la patience méthodique d’un collectionneur. Fin 1957, trois ans et demi après sa rencontre avec Hains et Villeglé, l’ex-poète lettriste François Dufrêne retourne l’afffiche pour s’attaquer à « l’envers du problème » : il dévoile alors les « dessous d’affiches ». La même année, Hains et Villeglé avaient exposé ensemble pour la première fois, galerie Colette Allendy, sous l’intitulé « Loi du 29 juillet 1881 ».

En juin 1959, les trois affichistes contribuent au « Lacéré Anonyme », série de soirées-présentations d’affiches organisées par Villeglé dans l’atelier de Dufrêne. En mai 1960, la galerie Apollinaire de Milan les accueille avec Arman, Klein et Tinguely avant qu’en octobre Pierre Restany et Yves Klein ne fondent, au domicile de ce dernier, le groupe des Nouveaux Réalistes… Pour le quarantenaire du chapardage originel, ces quelques événements fondateurs étaient à rappeler. Les affiches lacérées sont aujourd’hui en bonne place dans les musées et il ne fait aucun doute en 1989 que les affichistes ont gagné ce pari. qui était, dès le départ, de rivaliser notamment avec la peinture abstraite, tachiste, lyrique ou informelle.

Mais précisément, à l’heure où les aspects purement formels et esthétiques des oeuvres tendent à occulter l’ironie fondamentale qui a toujours été celle des trois artistes, il est important de bien saisir la logique présidant à l’extraction des affiches lacérées.

Jean-Philippe Lemée.