L’œuvre de Claude Batho apparaît aujourd’hui si construite, si dense, si importante dans la création photographique qu’il est difficilement imaginable de trancher, de morceler. Cependant, cette exposition se présente en deux parties : la première est une « rétrospective », analogue à celle organisée par le Musée d’Art Moderne de la ville de Paris en 1982 ; la seconde partie concerne les derniers travaux de Claude Batho, les photographies réalisées dans le jardin de Claude Monet à Giverny. Ces deux expositions se complètent et constituent un hommage à l’œuvre de cette grande photographe.
Rétrospective
Cette exposition regroupe soixante photographies. À leur sujet Sylviane de Decker Heftler écrit : « Il est difficile d’expliquer le trouble qui naît de ce regard si clair, si neuf, si exact porté sur le quotidien, trouble croissant qui poursuit le spectateur d’image en image pour ne plus le quitter. La simplicité même des objets, des sujets choisis, leur intimité, leur nature si peu remarquable défient le langage, dissimulent sous l’évidence la fissure du quotidien… Claude Batho disait “J’aime à révéler le temps qui passe sur les êtres et sur les choses. Je cherche à rendre sensibles des instants très simples, à en retenir les silences”. Ce sont des choses que nous remarquons à peine, que nous ne voyons plus, que nous avons oubliées, et qui nous sont montrées. Claude Batho nous remet en présence de notre vie quotidienne, elle nous fait cadeau d’images que n’entachent aucune habitude, aucune fatigue, qu’éclaire une victoire toujours reconquise de la volonté sur l’accoutumance… »
(Claude Batho. Photographe, Paris, Éditions des Femmes 1982)
Giverny, mémoire d’un jardin
Il s’agit de prises de vue effectuées lors d’un après-midi à Giverny, en octobre 1980. Voici ce qu’en dit Jean-Claude Lemagny : « Le reflet d’une passerelle fragile, d’où quelques ombres se penchent, nous a conduit dans un autre monde. À peine y avons-nous pris garde. Ici l’autre côté du miroir n’est pas dissimulé derrière nos revers. Il est dans le miroir, il est dans le regard, dans le nôtre, dans celui de Claude, mais seule Claude l’a remarqué. Qui sait ? L’au-delà n’est peut-être ni enfer, ni paradis, ni néant. C’est peut-être un jardin très beau, et d’avance familier, sous le ciel de cet après-midi qui n’a jamais de fin… Je voudrais que chacun se laisse dériver dans ces images. Mais je voudrais préciser que nous sommes ici devant une révolution de la photographie. Seuls Stieglitz, dans ses Equivalents (des ciels), et Friedlander, dans ses Jardins, l’ont pressenti. La photo ne s’ordonne plus d’abord selon les quatre coins, le vertical et l’horizontal comme l’univers quand on croyait que la terre était plate – mais elle est d’abord la courbure englobante de l’espace, épaisseur dans la transparence et étendue hantée. Claude peut se promener tranquille dans le beau jardin. Ce qu’elle nous a montré n’a pas fini de propager ses ondes. »
(Claude Batho, Giverny, mémoire d’un jardin (cat. expo.), Aurillac, A.D.A.C., 1986)